Suite à la remise du rapport du Conseil d’Orientation des Infrastructures (COI) le 24 Février à la Première Ministre, il nous a paru intéressant de nous y plonger en prolongement de l’article précédent de ce blog, c’est-à-dire sous l’angle de la mécanique budgétaire permettant d’assurer le financement de la feuille de route que trace le rapport. Cet article n'analyse que le scénario dit de "Planification Ecologique", que la Première Ministre a annoncé retenir.
Ce travail a été rendu quelque peu délicat par l’absence de tableau
récapitulatif des chroniques de dépenses par financeur, qu’il a donc fallu
reconstituer au mieux. L’article se divise donc en une première partie qui
reprend le diagramme de l’article précédent sous un angle plus proche de celui
du rapport du COI et se restreignant au périmètre étudié dans le rapport, et
une seconde partie qui analyse les évolutions que propose le COI sur cette
base.
I) Le financement du système sur le périmètre du COI
Notons tout d’abord que le rapport n’englobe pas l’ensemble
du périmètre étudié dans l’article précédent. En particulier, il ne propose pas
d’évolution structurante sur :
- Les crédits liés au plan de relance, primes à la conversion des véhicules ou autres subventions liées au carburant (qui ne figurent pas non plus dans l’article précédent, mais pourraient faire l’objet d’un futur article)
- La reprise de la dette de SNCF Réseau par l’Etat
- Les subventions de fonctionnement de VNF
- Le budget annexe Contrôle et Exploitation Aérien
- Les mesures fiscales de réductions d’impôts
En excluant ces éléments, on peut représenter les flux
financiers en fonction de leur catégorie de destination (qui correspondent peu
ou prou aux différentes actions du programme 203), selon le graphique
ci-dessous.
On notera que les cofinancements sont représentés de manière
très macroscopique car le rapport ne détaille pas l’impact de la nouvelle
trajectoire sur ces sources de financement. Ils sont cependant de natures très différentes, certains
(financements européens) étant soumis à une validation communautaire, alors que
les négociations viennent tout juste de s’ouvrir pour d’autres (cofinancements
régions via les Contrats de Plan Etat-Régions – CPER).
II) L’impact du rapport du COI
En partant de cette représentation, on peut à présent mettre
en valeur les évolutions que propose le rapport pour chacune de ces catégories.
Le graphique ci-dessous figure en rouge les diminutions de
budget, et en vert les augmentations, pour chacune des catégories utilisées ci-dessus,
pour le premier quinquennat étudié, soit 2023-2027.
On peut donc noter visuellement que le budget évolue positivement
de manière marquée sur 2 postes principaux :
- la régénération et modernisation du réseau, avec 1Md€ supplémentaire par an
- les grands projets ferroviaires, avec environ 410M€/an supplémentaires par rapport à la période 2018-2022
A l’inverse, les diminutions concernent principalement :
- le développement des routes, ce qui constitue une orientation politique assumée
- les grands projets fluviaux, ce qui s’explique par le lancement lors de la période précédente du Canal Seine Nord Europe
- le financement du matériel TET, qui s’explique lui aussi par de gros engagements lors du quinquennat précédent
- la diminution de la part des cofinanceurs, ce qui mériterait une analyse plus détaillée impossible à ce stade
Les autres évolutions sont un peu plus marginales et
saupoudrées, quoiqu’unitairement parfois importantes pour l’ensemble des catégories
concernées.
On notera en particulier une absence d’évolution notable concernant
le fret ferroviaire, qui continue sur la tendance des années précédentes
(elles-mêmes légèrement en amélioration par rapport au passé).
Le tableau ci-dessous récapitule l’évolution pour l’ensemble
des catégories, ainsi que les valeurs de référence utilisées.
Catégorie | Référence | Valeur COI | Evolution | Catégorie détaillée | Référence | Valeur COI | Evolution | Commentaire |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Routier | 1433 | 1330 | -7% | Routes développement | 398 | 260 | -35% | Référence = Moyenne 2018-2022 |
Régé routière | 630 | 650 | 3% | Référence = 2021 | ||||
Entretien routier | 305 | 320 | 5% | Référence = 2021 | ||||
Grands projets routiers | 100 | 100 | 0% | Référence = Moyenne 2018-2022 | ||||
Ferroviaire | 4103 | 5638 | 37% | Régé ferroviaire | 2740 | 3850 | 41% | Référence = Moyenne 2018-2022 |
Grands projets ferroviaires | 410 | 820 | 100% | Référence = Moyenne 2018-2022 | ||||
CPER Ferroviaires | 263 | 281 | 7% | Référence = Moyenne 2018-2022 | ||||
CPER Ferroviaires - Bruit, accessibilité, sécurité | 60 | 147 | 145% | Auparavant Hors CPER. Référence = Moyenne 2018-2022 | ||||
Financement TET | 300 | 300 | 0% | Référence = 2021 | ||||
Matériel TET | 330 | 220 | -33% | Référence = Moyenne 2018-2022 | ||||
Régé gares | 0 | 20 | Référence = Moyenne 2018-2022 | |||||
Fret | 308 | 311 | 1% | CPER Infrastructures terminales de fret ferroviaire | 122 | 122 | 0% | Auparavant Hors CPER. Référence = 2021 |
Fret ferroviaire | 53 | 53 | 0% | Référence = 2021 | ||||
Aide aux transports combinés | 130 | 131 | 1% | Référence = 2021 | ||||
Autoroutes ferroviaires | 3 | 5 | 67% | Référence = 2021 | ||||
Ports | 138 | 192 | 1% | CPER Portuaires | 47 | 91 | 94% | Référence = Moyenne 2018-2022 |
Entretien des ports | 91 | 101 | 11% | Référence = 2021 | ||||
Transports en commun | 481 | 600 | 25% | TCSP - Transports Communs hors IdF | 190 | 240 | 26% | Référence = Moyenne 2018-2022 |
CPER Transport Collectif IdF | 291 | 360 | 24% | Référence = Moyenne 2018-2022 | ||||
Vélo & mobilités actives | 52 | 110 | 112% | Infra vélo | 2 | 20 | 900% | Référence = Moyenne 2018-2022 |
Mobilités actives | 50 | 90 | 80% | Référence = Moyenne 2018-2022 | ||||
Fluvial | 340 | 180 | -47% | Régé et modernisation réseau fluvial | 130 | 160 | 23% | Référence = Moyenne 2018-2022 |
Grands projets fluviaux | 210 | 20 | -90% | Référence = Moyenne 2018-2022 |
Par ailleurs, le rapport identifie quelques pistes permettant d'assurer le financement à la fois de la prolongation de la trajectoire existante et de son renforcement (mobilisation de taxes affectées, révision de la tarification des infrastructures et de l'affectation des gains de productivité réalisés par SNCF Réseau, notamment), il reste à l'Etat à s'en saisir pour préciser dans quelle mesure ces leviers seront actionnés à l'avenir.
Conclusion
Ce rapport traduit donc bien une inflexion réelle sur la
trajectoire réelle de dépense telle qu’observée depuis ces dernières années,
avec notamment une vraie accélération de la trajectoire de renouvellement et
modernisation du réseau, ainsi qu’une relance de grands projets ferroviaires.
En revanche, on peut discuter sur le fait que cette relance des grands projets
ait été préférée à une accélération encore plus marquée des politiques de soutien
aux mobilités alternatives (marche & vélo), et surtout aux infrastructures dédiées au fret ferroviaire, pourtant tout autant voire encore plus indispensables à la
transition écologique que nous demandons tous.
Sources :
https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/COI_2022_Programmation_Synthese.pdf
Note méthodologique : pour définir le montant des
financements directs issus de l’AFITF, la moyenne des Autorisations d’engagement
sur la période 2018-2022 a été utilisée.
A ce stade et en l’absence de vision claire sur la manière
dont ils s’intégreront aux mécanismes de financement, les flux liés à la SGP ont
été mis de côté.
Correction 06/03 - 07h30 : Ajout du nouveau programme de régénération des gares dans la version post-COI