mardi 7 mai 2013

Le financement du système ferroviaire

Ce post vise à actualiser un graphique présentant le financement du système ferroviaire, issu du rapport Le transport ferroviaire de voyageurs sur le réseau ferré national français édité par le Setra (p40) (source : http://www.setra.equipement.gouv.fr/IMG/pdf/0946w_Synthese_TansportFerroviaire.pdf)

Principaux échanges financiers intervenant dans le financement du transport ferroviaire de voyageurs en France en 2007 issu du rapport du Setra
Pour cela, les versions 2012 (quand disponible) des documents cités dans la figure précédentes ont été consultées, ainsi que les résultats de RFF et de la SNCF, et d'autres documents divers émis par l'administration. Toutes les sources sont citées plus bas.

/!\ Ce schéma n'a pas été confronté à l'analyse d'un spécialiste. Il est issu des recherches et recoupements de l'auteur et n'a donc pas la prétention d'être parfait ni exhaustif. On pourra se reporter au document du Setra cité en tête d'article pour plus de détails sur l'ensemble du système.
Toute critique sur le contenu du schéma est la bienvenue.

Principaux échanges financiers intervenant dans le financement du transport ferroviaire de voyageurs en France en 2012

Sources :
(1) : Rapport d'activité 2012 de l'EPIC SNCF : http://www.sncf.com/sites/default/files/rapport_dactivite_de_lepic_sncf_-_exercice_2012.pdf
(5) : Comptes annuels 2012 de l'EPIC : http://www.sncf.com/sites/default/files/comptes_annuels_de_lepic_sncf_2012.pdf
(7) : Rapport financier 2012 de RFF : http://www.rff.fr/IMG/RAPPORT%20FINANCIER%20AU%20311212%20%20AMF.pdf
(12) : Les Finances des régions 2011 (chiffres 2011) : http://www.collectivites-locales.gouv.fr/files/files/FR2011.pdf
(14) : Loi de finances initiale, mission 198 : http://www.performance-publique.budget.gouv.fr/farandole/2013/lfi/pdf/DBGNORMALLFIMSNRB.pdf
(16) : Note de présentation des crédits de la mission Ecologie, développement et aménagement durables : http://www.senat.fr/commission/fin/pjlf2012/np/np10/np102.html
(20) : Synthèse des transferts financiers de l'Etat aux collectivités locales : http://www.performance-publique.budget.gouv.fr/farandole/2013/pap/pdf/Jaune2013_collectivites.pdf


Cette version permet de prendre en compte des changements opérés depuis 2007 :
- Trains d'Equilibre du Territoire (TET) : La convention signée en 2011 prévoit une subvention de l'Etat pour la SNCF, financée par une taxe payée par toutes les entreprises ferroviaires (dont la SNCF donc), la TREF (voir (4))
- Péages : les péages sont aujourd'hui découpés tel qu'on l'a vu dans l'article précédent. Dans ce découpage, la redevance d'accès (TER, Transilien et TET) vient remplacer l'ancienne subvention budgétaire reçue par RFF de l'Etat et peut être en partie affectée au remboursement des investissements
- Subventions : RFF ne reçoit plus de subvention d'investissement de RFF depuis 2009. Comme indiqué en (19), les subventions apparaissant sur le schéma 2012 figurent la mise en service d'installations précédemment subventionnées. La subvention aux infrastructures des régions
- Versement de dividendes de la SNCF à l'Etat, pour la première fois en 2008

On peut retrouver une certaine cohérence des valeurs entre le schéma 2007 et le schéma 2012, malgré une inflation générale plus ou moins marquée selon les postes. On remarquera en particulier la forte augmentation des dépenses de fonctionnement des TER (passant de 2Mds€ en 2007 à 3,75Mds€ en 2012), signe de la montée en puissance des régions dans le TER, à la suite de la régionalisation en 2003.

On voit donc sur ces schémas que le système reste aujourd'hui plutôt complexe, les flux étant multiples entre tous les acteurs. Et encore le financement des investissements pour le réseau n'est-il pas détaillé ici (boite verte dont ne sort que la partie des subvention versée au compte de résultats sans détail des sources) !
Quoiqu'il en soit, les subventions de l'état (quelles qu'en soit les formes) restent indispensables, même si le concours à RFF (somme des péages TER, TET et subvention d'exploitation) est en baisse progressive depuis 2007 (voir (16)).

Enfin la dette continue à grossir chaque année (+2.7Mds€ en 2012), pour atteindre un total de plus de 37Mds€, avec un déficit structurel (une part dont le remboursement n'est aujourd'hui pas assuré) autour de 1,3Mds€.

A l'aube du remaniement du système ferroviaire préfiguré dans les rapports Bianco et Auxiette, ces flux devraient évoluer (pas forcément dans le sens de la simplification...). Dans tous les cas cette réforme, au delà des aspects d'organisation primordiaux pour le bon fonctionnement du système, vise également à dégager des marges de manoeuvre financières en améliorant l'efficacité. Un des but poursuivis est bien de parvenir à résorber ce déficit structurel. Une piste avancée était le calcul des impôts sur l'ensemble RFF+SNCF. On voit en effet sur le schéma que RFF paye beaucoup moins d'impôts que SNCF (seul la part Epic étant d'ailleurs figurée ici). On peut donc estimer qu'un regroupement des deux entités réduirait le flux financier vers l'état pour le réinjecter dans le système. Cependant, cette solution irait à l'encontre des efforts budgétaires de l'état.
Les décisions du ministre des transports sont donc attendues avec impatience, et constitueront, quelles qu'elles soient, une évolution importante de tout le système figuré sur ce schéma.

mardi 26 février 2013

Péages ferroviaires : pourquoi Ouigo part de Marne la Vallée

En France (comme dans beaucoup d'autres pays), les trains aussi payent des péages. Il ne s'agit bien sûr pas d'échangeurs où les trains s'arrêtent et baissent leur vitre pour prendre un ticket, mais de "taxes" que les entreprises ferroviaires doivent payer pour avoir le droit de circuler sur le réseau ferré. Ces péages donnent accès à un sillon, qui est un morceau d'espace-temps (ou cube spatio temporel...), puisqu'il s'agit d'un droit d'emprunter une ligne ferroviaire à une heure donnée. Ce post vise à en savoir plus sur la tarification de ces péages, en s'appuyant sur le document de référence du réseau publié chaque année par RFF (http://www.rff.fr/fr/mediatheque/textes-de-reference-francais-45/document-de-reference-du-reseau/). On résumera d'abord les principes, puis on prendra l'exemple de Paris Gare de Lyon / Lyon Part Dieu en TGV ou Marne-la-Vallée / Lyon St Exupéry en OuiGo, afin d'étudier l'impact du choix de Marne la Vallée sur le prix du billet.

N'hésitez pas à faire tous les commentaires que vous pourrez juger utiles pour améliorer ce post, que ça soit pour corriger des imprécisions ou ajouter des infos. Ce post ne contient aucune donnée en provenance directe de la SNCF, et a été écrit entièrement à partir d'informations trouvées sur Internet. Il n'est donc peut-être pas exempt d'erreurs, n'hésitez pas à les mentionner si vous en remarquez !

I) Principes de tarification.

Il faut tout d'abord noter que les péages sont payés par les entreprises ferroviaires (EF) (qui font rouler des trains, SNCF en est une, au même titre qu'Eurostar ou Thello) au gestionnaire d'infrastructure (GI), en l'occurence RFF en France.

Lorsqu'un train veut circuler entre un point A et un point B, il doit emprunter un certain nombres de sections élémentaires, définies par RFF.
Le prix du péage sur chacune de ces sections élémentaires se décompose alors comme suit :
  • La redevance de réservation (RR)
Elle est due pour toute réservation de sillon et est calculée comme suit :
RR pour chaque section élémentaire = PKR x C1 x C2 x C3 x C4 x longueur de la section, avec :
- PKR qui a la valeur représentée dans la figure ci-dessous.
PKR (valeurs 2013 en couleurs vives, 2014 en pastel, LGV en rouge, LC en bleu)
On observera sur cette figure la forte hausse de prix sur la LGV Est entre 2013 et 2014 (+70%) et sur la LGV Atlantique à trafic moyen (+75%), qui concerne les 2 tronçons de la LGV après la séparation (vers Tours et le Mans), ainsi que le tronçon Paris Montparnasse - Massy. Faut-il y voir un lien avec les futures LGV BPL et SEA ?

- C1 qui est un coefficient dépendant de l'heure d'utilisation du sillon, avec la variation décrite ci-dessous.
Valeur du coefficient C1
- C2 qui est un coefficient dont la valeur dépend de l'origine/destination du sillon :
    • C2=1.1 pour les sillons LGV ayant Paris intra-muros pour origine ou destination
    • C2=0.68 pour les sillons LGV ne partant ou n'arrivant pas de Paris (intersecteurs, incluant les trains au départ de Massy ou Marne la Vallée).
    • C2=1 pour les sillons ligne classique
- C3 module le prix du sillon uniquement pour les TER circulant sur LGV d'un facteur 0.46
- C4 est une incitation à l'utilisation de sillons cadencés (qui sont prévus sur le graphique espace-temps à intervalles réguliers), avec C4=0.95 pour ces sillons, uniquement sur ligne classique et pour les TER.
- C5 est un coefficient réservé au fret qu'on n'évoquera pas ici.

  • La Redevance de circulation (RC)
Elle est due pour toute circulation sur le réseau (un sillon réservé mais non circulé ne paiera donc pas cette RC) et calculée comme suit :
RC = PKC x C6 x distance de circulation sur les voies principales, avec :
- PKC qui a la valeur représentée ci-dessous suivant le type de circulation.
PKC (€/km)
On notera ici la baisse de la redevance de circulation pour les TGV sur LGV (-15%), mais la hausse de la redevance sur Transilien (+28%).
- C6 est un coefficient réduisant le prix du sillon sur les "petites lignes" extra-urbaines d'un facteur 0.6
  • La Redevance d'accès (RA) 
Il s'agit d'un coût fixe pour l'année, payé uniquement pour les TER, Transilien et Intercités pour chacune des régions. Sa valeur est décrite dans la figure ci-dessous.
Valeur de RA (M€)
On remarquera en 2014 la hausse de la RA pour les Intercités (+9%), mais surtout la baisse de la redevance sur Transilien (-31%).
Cependant, ces valeurs sont très difficiles à rapporter par passager ou par train étant donné le manque d'informations sur le volume de trains.km produits par chaque région.
  • Autres redevances
A ces composantes s'ajoutent les redevances pour l'usage des installations de traction électrique (RCE), la redevance pour le transport et la distribution de l’énergie de traction (RCTE), ainsi que diverses composantes optionnelles notamment pour le fret, les voies de service ou d'autres particularités locales (gare du Futuroscope, autoroutes ferroviaires, raccordement court de Mulhouse...).

RCE
€/tr.km
2013
2014
Train électrique
0.251
0.263
RCTE
€/tr.km
Trains régionaux, nationaux et internationaux de voyageurs aptes à la grande vitesse et électriques
0.526
Autres trains nationaux et internationaux de voyageurs électriques
0.339
TER électriques non aptes à la GV
0.29
Transilien
0.511
Autres (HLP, M)
0.195
Autres
€/sillon.km
2013
2014
Utilisation des SEL Pasilly le Creusot et le Creusot Macon
0.645
0.676

  • Redevance d'accès aux services en gare
Au prix du sillon s'ajoute la redevance d'accès aux services en gare, payées à Gares & Connexions, la branche de la SNCF administrant une partie des gares.
Cette redevance, calculée à chaque départ-train (donc aux gares de départ et arrêts intermédiaires) vaut P = f + p x c1 x c2 avec : 
- f = part fixe de la redevance payée quelque soit le type de train
- p = part variable qui est pondérée par les coefficients c1 et c2
Ces coefficients ont une valeur différente pour chacune des gares du réseau ferré, exprimée en annexe du document de référence du réseau, dans la partie fournie par la SNCF.
- c1 : coefficient dépendant de la longueur du train accueilli en gare avec les valeurs suivantes :

Coefficient c1
Trains dont la longueur est inférieure à 100 mètres
0.5
Rame de longueur supérieure à 100 m comprenant jusqu’à 7 voitures et rames indéformables en unité simple
1
Rames de longueur supérieure à 100 m et de plus de 7 voitures, rames indéformables en unité multiple et matériel Transmanche
2

- c2 : coefficient dépendant du type de train, avec les valeurs suivantes :

Coefficient c2
Train « urbain » (avec pour origine / destination une région administrative française et pour destination / origine une région européenne contiguë et parcourant une distance < 35km)
1
Train « régional » (avec pour origine / destination une région administrative française et pour destination / origine une région européenne contiguë et parcourant une distance 35km)
2
Train « longue distance » (avec pour origine / destination une région administrative française et pour destination / origine une région européenne non contiguë)
4

Toutes ces valeurs peuvent appeler beaucoup de commentaires différents, on pourra simplement ici s'étonner de la baisse du tarif de la RC en 2014, qui semble venir tempérer ce qu'on lit souvent sur la hausse des péages. On remarquera que si la RCE et RCTE ne dépendent pas du trajet effectué, ces redevances incluent seulement l'usage des installations de RFF et le transport de l'électricité, mais pas la production effective d'électricité qui est elle directement facturée au transporteur par le producteur.
Mais poursuivons ici par un exemple d'actualité, avec le chiffrage en parallèle d'un sillon TGV et d'un sillon Ouigo, le TGV low-cost nouveau venu au sein de la famille SNCF.

II) L'exemple de Paris-Lyon

Màj 05/03/2013 : D'après le site http://www.kelbillet.com/blog/ouigo-tgv/sncf-tous-les-horaires-des-tgv-ouigo/, aucun TGV n'effectue uniquement la liaison MLV/LSE, ce qui se comprend vu la configuration de la gare de LSE... modification de l'évaluation avec le train de 19h09 pour Lyon Part-Dieu. Cela ne modifie que très marginalement les calculs et pas du tout les conclusions.

Comparons donc le prix d'un sillon TGV Paris Gare de Lyon / Lyon Part Dieu au prix d'un sillon OuiGo Marne la Vallée Chessy / Lyon Part Dieu un mercredi vers 19h15.
Voici tout d'abord les sections empruntées par chacun des 2 trains :

Sections empruntées par TGV et Ouigo
On remarquera que le train OuiGo ne sort des LGV (Interconnection et Sud-Est) que parce qu'il s'agit de son dernier voyage de la journée, et qu'il rentre ensuite au technicentre pour maintenance.
Considérons plus précisément le TGV partant de Paris Gare de Lyon à 19h28 et arrivant à Lyon Part Dieu à 21h24. Les billets sont en vente au prix de 30€ en prem's, 59€ en loisir, 97€ en pro 2nde et 45€ en prem's 1ère classe (3 mois à l'avance).
Le Ouigo à la même période part de Marne la Vallée à 19h09 et arrive à Lyon Part Dieu à 21h. Les billets sont en vente à 10€ (3 mois à l'avance).

Les différents coefficients évoqués ci-dessus prennent alors les valeurs suivantes, avec C3, C4 et C6=1.

Ouigo TGV
Num SEL C1 C2 Num SEL C1 C2
51001 1.25 1
23052 1.25 0.68 53021 1.25 1.1
53022 1.25 0.68 53022 1.25 1.1
53002A 1.25 0.68 53002A 1.25 1.1
53002B 1.25 0.68 53002B 1.25 1.1
53002C 1.25 0.68 53002C 1.25 1.1
53003A 1.25 0.68 53003A 1.25 1.1
53003B 1.25 0.68 53003B 1.25 1.1
53004 1.25 0.68 53004 1 1.1
53010A 1.25 0.68 53010A 1 1.1
53010B 1.25 1 53010B 1 1
52027B 1.25 1 52027B 1 1

Les redevances d'accès en gare prennent les valeurs suivantes :

f
c1
c2
p
total (€)
TGV (2013) - Gare de Lyon
442.19
2
4
27.67
663.55
Ouigo (2013) - MLV
155.37
2
4
9.22
229.13
TGV (2014) - Gare de Lyon
381.92
2
4
26.2
591.52
Ouigo (2014) - MLV
223.05
2
4
11.83
317.69

Les autres redevances sont alors calculées ci-dessous (RA étant nulle pour les activités commerciales) :


RR
RC
RCE
RCTE
Autres
Redevance d'accès en gare
Total
TGV (2013)
7526.2
2166.6
108.6
227.6
113.3
663.6
10805.9
Ouigo(2013)
4482.8
2112.5
107.4
225.1
113.3
229.1
7270.4
TGV (2014)
7981.0
1857.5
113.8
227.6
118.8
591.5
10890.2
Ouigo(2014)
4716.6
1777.0
112.6
225.1
118.8
317.7
7267.8

On observe donc que le prix d'un sillon monte jusqu'à plus de 10000€ pour un TGV, et qu'un sillon Ouigo coûte environ 30% de moins qu'un sillon TGV, principalement grâce au facteur C2 lié au départ à la gare de Marne la Vallée qui réduit la redevance de réservation.

Le tableau ci-dessous rapporte le prix de la redevance au nombre de passagers :

Prix du sillon
Nbre de passagers
Prix du sillon /passager
TGV (2013)
10805.9
1090
9.9
Ouigo(2013)
7270.4
1268
5.7
TGV (2014)
10890.2
1090
10.0
Ouigo(2014)
7267.8
1268
5.7

En ramenant ces valeurs au prix du billet, on obtient :


Prix du sillon /passager
Prix du billet 1er prix
% du prix du billet 1er prix imputable au prix du sillon
Prix maximal du billet
% du prix du billet 1er prix imputable au prix du sillon
TGV (2013)
9.9
30.0
33.0%
126
7.9%
Ouigo(2013)
5.7
10.0
57.3%
85
6.7%
TGV (2014)
10.0
30.0
33.3%
126
7.9%
Ouigo(2014)
5.7
10.0
57.3%
85
6.7%


On voit que le prix du sillon représente de 6.7 à plus de 57% du prix du billet, ce qui constitue donc un  facteur de coût majeur. La combinaison de l'augmentation du nombre de passagers et du départ en gare de Marne la Vallée permet alors à Ouigo d'abaisser d'environ 4€ le prix de chaque billet !

Notons de plus que le départ à Marne la Vallée n'impacte pas uniquement le prix du billet mais permet également d'éviter une partie des points noirs ferroviaires situés en très proche périphérie de Paris, et donc de gagner en fiabilité et en robustesse des horaires, sans évoquer d'autres avantages opérationnels tels que l'organisation en gare par exemple. Ce paramètre n'est pas le seul levier, on peut aussi citer l'intensification de l'usage des rames (qui roulent de 6h du matin à minuit avec maintenance la nuit), ou la multiplication des recettes due à l'augmentation du nombre de passagers.
Néanmoins, malgré les critiques liées à l'éloignement de cette gare du centre de Paris et au surcoût éventuel pour la rejoindre, ce choix permet effectivement de tirer le prix du billet vers le bas et représente environ 20% du gain total sur le prix du billet de base Ouigo par rapport à TGV.

Au delà donc des aspects géographiques de cette gare,il s'agit d'une vraie stratégie industrielle pour la SNCF, qui se justifie par la volonté d'agir sur tous les facteurs de coûts du billet, le coût sillon n'en étant pas des moindres. Le pari est donc de viser non plus les seuls Parisiens, mais tout le bassin de population de l'est parisien, en mettant la priorité absolue sur la baisse des prix. Laissons l'avenir nous montrer si le pari sera gagnant !






Sources :
Documents de référence du réseau 2013 et 2014, et leurs annexes : http://www.rff.fr/fr/mediatheque/textes-de-reference-francais-45/document-de-reference-du-reseau/
http://www.ouigo.fr
http://www.voyages-sncf.com
http://fr.wikipedia.org/wiki/TGV_Duplex
http://www.kelbillet.com/blog/ouigo-tgv/sncf-tous-les-horaires-des-tgv-ouigo/

jeudi 17 janvier 2013

La voiture est-elle l’avenir du train ?

Imaginez, vous sortez de chez vous. Quelques secondes plus tôt, à l’aide de votre smartphone, vous avez programmé votre destination, et validé votre itinéraire en fonction des travaux et des conditions climatiques. Alors que vous fermez la porte de votre domicile, une voiture s’arrête devant. Vous montez et vous voilà partis pour votre destination. Non, vous n’avez pas gagné au loto, et votre voiture n’est pas conduite par un chauffeur en livrée. En fait, personne ne conduit votre voiture. Elle est autonome, et la voici qui file à vive allure (200km/h, et pourquoi pas plus ?) là où vous lui avez indiqué. 

Science-fiction ? Aujourd’hui, complètement, mais demain ? Alors que les voitures « automatiques » commencent à pointer le bout de leur nez (telle que la Google car, pour ne citer qu’elle), on peut imaginer un futur des transports complètement différent du présent que nous connaissons aujourd’hui, où la voiture est personnelle et propriété privée de son conducteur. 

Voiture Google (source Wikipédia)


Cette conception commence à changer avec l’exemple d’Autolib, où la voiture reste personnelle mais n’est plus privée, et on pourra bientôt aller beaucoup plus loin : avec des voitures capables de se déplacer seules, une véritable optimisation de la flotte pourra se dérouler en temps réel. La localisation des véhicules sera homogène sur le territoire couvert afin que chaque conducteur puisse en avoir une à sa disposition rapidement au moment où il souhaite se déplacer. Leur approvisionnement (probablement en électricité, par induction, à moins qu’une source d’énergie miraculeuse voie le jour d’ici là) aura lieu au meilleur moment de la journée et pourra être planifié en fonction de leur utilisation prévue par les voyageurs, tout en intégrant les besoins du fournisseur d’électricité (smart grids). La vitesse des déplacements pourra s’accroître lorsque les véhicules se communiqueront leur position entre eux, permettant d’éviter tout risque de collision. Le principe même de la signalisation n’aura plus de sens, puisque les véhicules seront régulés automatiquement : pas besoin de feux à un carrefour, un algorithme sera chargé de faire ralentir les véhicules à l’approche du croisement de flux, de manière à ce qu’ils puissent fusionner de manière harmonieuse (à la manière d’une fermeture éclair !). L’interaction entre la voiture et son environnement se transformera pour se diriger probablement vers une approche similaire au tram-train : vitesse modérée en ville mais site « semi-dédié » (traversées dédiées…), et site dédié en dehors des villes, avec enceintes protégées pour augmenter la vitesse. C’est dans ce sens que la voiture peut devenir l’avenir du train, puisque sur moyennes ou longues distances, les voitures pourront se transformer en train, en se suivant à grande vitesse, en régulant leur distance automatiquement et en se transmettant entre elles l’information sur les ralentissements ou autres incidents. 

Le principe du parking sera revu puisque les véhicules circuleront 75% du temps (ou plus, ou moins), et devront être rechargés le reste du temps (et non plus 90% d’inactivité totale comme aujourd’hui). Des nuées de voitures circuleront en permanence avec ou sans conducteur un peu partout, et optimiseront leur consommation d’énergie pour atteindre le strict minimum. 

 Les acteurs économiques vont eux aussi évoluer : les constructeurs de voitures ne pourront plus s’appuyer sur un marché de masse à entretenir et renouveler fréquemment, mais devront axer leurs efforts sur la robustesse des véhicules utilisés de manière plus intensive. À leur avantage cependant, la valeur ajoutée embarquée dans une voiture va fortement augmenter, leur permettant de rétablir des marges acceptables. Les gestionnaires de flottes tels qu’Autolib, ou SNCF, verront leur rôle croître fortement, et leurs liens se solidifier avec des partenaires spécialisés dans le traitement de gros volumes de données (big data) et l’optimisation des réseaux (IBM…). Le modèle économique sera alors proche de celui que peut avoir actuellement Autolib (abonnement des utilisateurs, paiement à l’acte). La SNCF pourra également peut-être apporter son expérience du yield management pour permettre de lisser la demande et de la rendre acceptable par rapport à la disponibilité du parc et aux besoins en électricité. 

La transition de la situation actuelle à celle décrite aura lieu en plusieurs temps : les systèmes seront d’abord des aides à la conduite comme aujourd’hui, et le conducteur gardera le contrôle. Au fur et à mesure du développement des systèmes, un mode tout automatique pourra alors être proposé. Son usage sera peut-être d’abord restreint aux autoroutes, puis chemin faisant, les règles s’inverseront et les autoroutes deviendront réservées aux véhicules pouvant circuler en tout automatique, la vitesse pourra être petit à petit relevée. La fiabilité des systèmes ne cessera de s’améliorer et il deviendra alors possible de les utiliser en ville en toute sécurité. Enfin, les voitures deviendront autorisées à rouler sans conducteur, et tout un écosystème automobile pourra se mettre en place. 

On entrevoit bien sûr de multiples défis à relever avant d’en arriver là, cela prendra 20, 50 voire 100 ans, et il est même légitime de s’interroger sur la validité de l’approche : parviendra-t-on à un système de conduite automatique suffisamment robuste pour parer à toutes les éventualités en ville ? Arrivera-t-on à faire communiquer les véhicules entre eux ? Quand on voit par exemple les difficultés de mise en œuvre de l’ERTMS dans le domaine ferroviaire, parviendra-t-on à les surmonter dans l’automobile, quitte à instrumenter les carrefours pour renforcer les communications entre véhicules par une communication véhicule/infrastructure ? Y aura-t-il une énergie autonome permettant des trajets sur longue distance à grande vitesse ? Peut-on imaginer un même système avec des véhicules thermiques ? La voiture peut-elle effectivement remplacer le train ? Si on perçoit assez bien aujourd’hui la valeur ajoutée du train (vitesse, sécurité, fiabilité (quoiqu’on puisse en penser…), prix (mais pas coût)…), cela ne va-t-il pas changer demain, quand le trafic sera parfaitement fluide (plus de bouchons grâce à la régulation automatique et centralisée), le déplacement sécurisé et accéléré ? 

Mon avis personnel est que la réponse est oui à toutes ces questions, mais je serais ravi de pouvoir en discuter avec vous ici ou ailleurs, et j’espère pouvoir apporter sur ce blog des éléments de réponse un peu plus factuels. D’ici là, à bientôt !