jeudi 17 janvier 2013

La voiture est-elle l’avenir du train ?

Imaginez, vous sortez de chez vous. Quelques secondes plus tôt, à l’aide de votre smartphone, vous avez programmé votre destination, et validé votre itinéraire en fonction des travaux et des conditions climatiques. Alors que vous fermez la porte de votre domicile, une voiture s’arrête devant. Vous montez et vous voilà partis pour votre destination. Non, vous n’avez pas gagné au loto, et votre voiture n’est pas conduite par un chauffeur en livrée. En fait, personne ne conduit votre voiture. Elle est autonome, et la voici qui file à vive allure (200km/h, et pourquoi pas plus ?) là où vous lui avez indiqué. 

Science-fiction ? Aujourd’hui, complètement, mais demain ? Alors que les voitures « automatiques » commencent à pointer le bout de leur nez (telle que la Google car, pour ne citer qu’elle), on peut imaginer un futur des transports complètement différent du présent que nous connaissons aujourd’hui, où la voiture est personnelle et propriété privée de son conducteur. 

Voiture Google (source Wikipédia)


Cette conception commence à changer avec l’exemple d’Autolib, où la voiture reste personnelle mais n’est plus privée, et on pourra bientôt aller beaucoup plus loin : avec des voitures capables de se déplacer seules, une véritable optimisation de la flotte pourra se dérouler en temps réel. La localisation des véhicules sera homogène sur le territoire couvert afin que chaque conducteur puisse en avoir une à sa disposition rapidement au moment où il souhaite se déplacer. Leur approvisionnement (probablement en électricité, par induction, à moins qu’une source d’énergie miraculeuse voie le jour d’ici là) aura lieu au meilleur moment de la journée et pourra être planifié en fonction de leur utilisation prévue par les voyageurs, tout en intégrant les besoins du fournisseur d’électricité (smart grids). La vitesse des déplacements pourra s’accroître lorsque les véhicules se communiqueront leur position entre eux, permettant d’éviter tout risque de collision. Le principe même de la signalisation n’aura plus de sens, puisque les véhicules seront régulés automatiquement : pas besoin de feux à un carrefour, un algorithme sera chargé de faire ralentir les véhicules à l’approche du croisement de flux, de manière à ce qu’ils puissent fusionner de manière harmonieuse (à la manière d’une fermeture éclair !). L’interaction entre la voiture et son environnement se transformera pour se diriger probablement vers une approche similaire au tram-train : vitesse modérée en ville mais site « semi-dédié » (traversées dédiées…), et site dédié en dehors des villes, avec enceintes protégées pour augmenter la vitesse. C’est dans ce sens que la voiture peut devenir l’avenir du train, puisque sur moyennes ou longues distances, les voitures pourront se transformer en train, en se suivant à grande vitesse, en régulant leur distance automatiquement et en se transmettant entre elles l’information sur les ralentissements ou autres incidents. 

Le principe du parking sera revu puisque les véhicules circuleront 75% du temps (ou plus, ou moins), et devront être rechargés le reste du temps (et non plus 90% d’inactivité totale comme aujourd’hui). Des nuées de voitures circuleront en permanence avec ou sans conducteur un peu partout, et optimiseront leur consommation d’énergie pour atteindre le strict minimum. 

 Les acteurs économiques vont eux aussi évoluer : les constructeurs de voitures ne pourront plus s’appuyer sur un marché de masse à entretenir et renouveler fréquemment, mais devront axer leurs efforts sur la robustesse des véhicules utilisés de manière plus intensive. À leur avantage cependant, la valeur ajoutée embarquée dans une voiture va fortement augmenter, leur permettant de rétablir des marges acceptables. Les gestionnaires de flottes tels qu’Autolib, ou SNCF, verront leur rôle croître fortement, et leurs liens se solidifier avec des partenaires spécialisés dans le traitement de gros volumes de données (big data) et l’optimisation des réseaux (IBM…). Le modèle économique sera alors proche de celui que peut avoir actuellement Autolib (abonnement des utilisateurs, paiement à l’acte). La SNCF pourra également peut-être apporter son expérience du yield management pour permettre de lisser la demande et de la rendre acceptable par rapport à la disponibilité du parc et aux besoins en électricité. 

La transition de la situation actuelle à celle décrite aura lieu en plusieurs temps : les systèmes seront d’abord des aides à la conduite comme aujourd’hui, et le conducteur gardera le contrôle. Au fur et à mesure du développement des systèmes, un mode tout automatique pourra alors être proposé. Son usage sera peut-être d’abord restreint aux autoroutes, puis chemin faisant, les règles s’inverseront et les autoroutes deviendront réservées aux véhicules pouvant circuler en tout automatique, la vitesse pourra être petit à petit relevée. La fiabilité des systèmes ne cessera de s’améliorer et il deviendra alors possible de les utiliser en ville en toute sécurité. Enfin, les voitures deviendront autorisées à rouler sans conducteur, et tout un écosystème automobile pourra se mettre en place. 

On entrevoit bien sûr de multiples défis à relever avant d’en arriver là, cela prendra 20, 50 voire 100 ans, et il est même légitime de s’interroger sur la validité de l’approche : parviendra-t-on à un système de conduite automatique suffisamment robuste pour parer à toutes les éventualités en ville ? Arrivera-t-on à faire communiquer les véhicules entre eux ? Quand on voit par exemple les difficultés de mise en œuvre de l’ERTMS dans le domaine ferroviaire, parviendra-t-on à les surmonter dans l’automobile, quitte à instrumenter les carrefours pour renforcer les communications entre véhicules par une communication véhicule/infrastructure ? Y aura-t-il une énergie autonome permettant des trajets sur longue distance à grande vitesse ? Peut-on imaginer un même système avec des véhicules thermiques ? La voiture peut-elle effectivement remplacer le train ? Si on perçoit assez bien aujourd’hui la valeur ajoutée du train (vitesse, sécurité, fiabilité (quoiqu’on puisse en penser…), prix (mais pas coût)…), cela ne va-t-il pas changer demain, quand le trafic sera parfaitement fluide (plus de bouchons grâce à la régulation automatique et centralisée), le déplacement sécurisé et accéléré ? 

Mon avis personnel est que la réponse est oui à toutes ces questions, mais je serais ravi de pouvoir en discuter avec vous ici ou ailleurs, et j’espère pouvoir apporter sur ce blog des éléments de réponse un peu plus factuels. D’ici là, à bientôt !

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