dimanche 1 juin 2014

Réforme ferroviaire : premières discussions

En début de semaine a été discuté le projet de loi portant réforme ferroviaire par la commission du développement durable de l'Assemblée Nationale. Cette discussion sur 2 jours pendant presque 12h, en présence constante du ministre des Transports a permis d'expliciter un peu plus le contenu de la réforme, et ses implications concrêtes, même si certaines questions ont été repoussées à une discussion en assemblée plénière. Cet article vise à fournir un compte-rendu synthétique des discussions, également agrémentés par les discussions de la commission des finances saisie pour avis et dont les débats ont été beaucoup plus brefs.

NB : Une fois encore, l'auteur n'étant pas juriste et certaines discussions étant plutôt techniques, il conviendra d'être vigilant sur l'utilisation qui peut être faite du contenu de l'article :). N'hésitez pas à commenter pour corriger ou ajouter !


I) Rappels préliminaires sur le projet de loi (avant discussions) 


Le projet de loi prévoit une transformation profonde du système actuel construit autour des deux EPIC (Etablissements Publics à caractère Industriel et Commercial) RFF, propriétaire et gestionnaire de l'infrastructure et SNCF, entreprise ferroviaire et gestionnaire d'infrastructure délégué.

Dans le schéma proposé par la réforme :
- RFF devient SNCF Réseau et récupère la branche actuelle SNCF INFRA qui effectue une partie des travaux et la maintenance de l'Infrastructure ainsi que la Direction de la Circulation Ferroviaire, qui gère notamment les postes d'aiguillage,
- SNCF devient SNCF Mobilités, entreprise ferroviaire chargé de l'organisation des moyens de production (matériel roulant, conducteurs, chefs de bord, ...)
- un nouvel EPIC est créé, SNCF, chargé du pilotage stratégique, de l'intégration industrielle, de l'unité sociale et des missions transversales. Cet EPIC (dit EPIC de tête) est dirigé par un directoire composé de deux membres : le président de SNCF Mobilités en qualité de président du directoire, et le président de SNCF Réseau en qualité de vice-président. En cas de désaccord entre les 2 membres du directoire, c'est une autre entité interne qui tranche : le conseil de surveillance, dont le président est une autre personnalité nommée par l'Etat. Cette organisation directoire/conseil de surveillance est relativement classique (utilisée par exemple chez Areva, ou assez fréquemment en Allemagne).
Cet ensemble de 3 EPIC est reconnu sous l'appellation de Groupe public ferroviaire.
Chacune de ces entités passe un contrat d'une durée de 10 ans avec l'Etat. Ces contrats visent à définir la trajectoire en termes financiers et de qualité de service de chacune des entreprises.
Au passage, l'appellation "Société Nationale des Chemins de fer Français" disparait complètement de la loi au profit de l'acronyme SNCF.

En parallèle de ces 3 EPIC, un Haut Comité du ferroviaire est créé comme une instance de concertation des différents acteurs du débat.
L'ARAF (Autorité de Régulation des Activités Ferroviaires) a un rôle de gendarme du système avec l'objectif d'assurer le caractère équitable et non discriminatoire de l'accès au réseau notamment concernant les entreprises concurrentes du groupe public.
On peut aussi citer un organisme qui n'est pas touché par la réforme : l'EPSF, Etablissement Public de Sécurité Ferroviaire, qui a pour rôle d'assurer le niveau de sécurité du réseau, que cela soit pour l'Infrastructure ou le Matériel Roulant de toutes les entreprises ferroviaires.

La figure ci-dessous reprend schématiquement l'organisation détaillée ci-dessus.

Système ferroviaire après la réforme

II) Contexte des discussions 


L'examen du texte en commission (du développement durable en l'ocurrence) a pour but de préparer la discussion en assemblée plénière en approfondissant les réflexions sur des sujets et permet de "prendre la température" du gouvernement sur telle ou telle évolution en comité restreint d'acteurs spécialisés (ou au moins informés du sujet).

Pour ces discussions, les principaux acteurs, au delà du rapporteur Gilles Savary, du président de la commission Jean-Paul Chanteguet et du ministre Frédéric Cuvillier étaient (sans soucis d'exhaustivité) :
- Pour l'UMP : Martial Saddier, Laurent Furst, Antoine Herth
- Pour l'UDI : Bertrand Pancher
- Pour le PS : Rémi Pauvros, Philippe Duron (rapporteur de la Commission Mobilité 21)
- Pour le PRG : Joël Giraud
- Pour EELV : François-Michel Lambert
- Pour le PC : André Chassaigne

Il faut noter qu'une grande partie des amendements se sont révélés le fruit d'un lobbying intense de l'ARF (Association des Régions de France) d'une part, et de l'ARAF d'autre part.

En opposition à l'orientation du texte, deux grandes orientations se sont affrontées dans les débats :
- L'orientation "UMP" qui, si elle reconnait l'intérêt d'une réforme visant à réunir RFF et SNCF Infra et à séparer le transporteur SNCF Mobilité du gestionnaire d'Infrastructure SNCF Réseau, refuse l'existence d'un EPIC de tête et souhaite voir ces deux ensembles vivrent leur vie de manière indépendante. L'UMP propose également que l'appellation RFF reste au lieu de SNCF Réseau afin de bien faire la distinction entre les entreprises.
- L'orientation "Communiste" qui vise quant à elle au contraire à réunir les 3 EPIC en un seul, posant au passage des problèmes de compatibilité notamment européenne au regard de la concurrence par exemple pour l'attribution des sillons, qui se doit d'être totalement impartiale.
Une partie des discussions a d'ailleurs constitué en une tentative de l'UMP d'effrayer l'extrême gauche en les poussant à croire que l'organisation du texte n'est qu'une étape préliminaire avant le choix de l'orientation UMP avec un groupe désintégré, ce qui a été farouchement contredit par le rapporteur et le gouvernement, justifiant l'existence, la pertinence et la cohérence d'un groupe unifié et public, neutre et équitable.

A noter que la procédure d'urgence a été déclenchée sur ce texte, ce qui implique qu'il ne passera qu'une seule fois en discussion à l'Assemblée et au Sénat au lieu de deux habituellement.

III) Relations entre les 3 EPIC 


Le périmètre de l'EPIC de tête recouvre un certain nombre de missions transversales au bénéfice de tous les acteurs dont notamment la gestion de crise (CNOF (Centre National des Opérations Ferroviaires) par exemple) ou la sûreté (SUGE, Sûreté Générale). Par ailleurs, le rapporteur a évoqué lors des discussions la possibilité qu'y soit également rattachée l'Ingénierie Systra (sans préciser s'il parlait uniquement de la filiale ou également de la direction de l'Ingénierie SNCF qui figure aujourd'hui dans la branche SNCF Infrastructure).

Son indépendance avec SNCF Réseau a également été renforcée par un amendement faisant explicitement figurer cette mention dans le texte, ainsi que par un autre amendement stipulant l'impossibilité d'effectuer des missions empiétant sur les missions exclusives de SNCF Réseau. De plus, les membres du Conseil d'Administration de SNCF Réseau ne pourront pas être dirigeant d'une entreprise exerçant une activité d'entreprise ferroviaire. Cependant, les dirigeants de SNCF Réseau nommés par SNCF pourront siéger lors de toutes les discussions, incluant celles sur les fonctions essentielles de gestionnaire d'infrastructure, étant donné que l'EPIC SNCF n'est pas une EF (Entreprise Ferroviaire).

Par ailleurs, la garantie de l'étanchéité entre SNCF Réseau et toute autre entreprise ferroviaire reste limitée au niveau des dirigeants et n'est pas contrôlée pour le personnel d'exécution, conformément aux préconisations des textes européens et pour éviter une trop grande rigidité du système.

Le montage à 3 EPIC est une construction complètement originale qui n'a pas de réel précédent en France, et qui pose deux risques principaux vis à vis de la compatibilité européenne à ce stade : la remontées des dividendes de SNCF Réseau à l'EPIC de tête, et la compatibilité du montage avec les règles sur les aides d'état aux entreprises publique, avec le précédent de la Poste (voir l'article suivant qui détaille le fond de la discussion : http://www.ifrap.org/CJUE-le-statut-juridique-des-EPIC-dans-le-collimateur,14079.html), qui fait actuellement l'objet d'un bras de fer avec Bruxelles.
Cependant, ce montage a été soumis à la DG MOVE (commission européenne pour la Mobilité et le Transport) qui l'a validé, rassurant donc le gouvernement sur la viabilité du projet.

IV) La question des gares 


La place des gares dans le système a fait l'objet de débats approfondis, le sujet n'étant pas aussi simple qu'il n'y parait. Ainsi, certains (notamment à droite) ont plaidé pour que les gares soient placées dans le giron du gestionnaire d'infrastructure SNCF Réseau pour assurer la neutralité requise des services fournis. Cependant, le rapporteur a indiqué que d'une part ce dernier n'en était pas demandeur, et d'autre part ne serait très probablement pas en mesure à ce jour d'assurer les investissements associés à cet actif vu l'état de sa dette. On pourrait alors éventuellement transférer la propriété à SNCF Réseau et garder la gestion à SNCF Mobilités, mais cela reviendrait à recréer un gestionnaire d'infrastructure délégué, qui est précisément ce que la réforme cherche à abolir.
Par ailleurs, les régions ont plaidé pour que certaines gares puissent leur être transférées, étant donné que les trains (donc les régions) fournissent des clients dans les gares, mais n'en retirent rien. Mais ce transfert devrait alors s'accompagner de ressources permettant de financer les investissements nécessaires notamment pour les gares d'intérêt local (selon le classement défini par le décret gares de 2003). Ces ressources sont aujourd'hui apportées par les gares d'intérêt national (Saint Lazare et son centre commercial par exemple), mais qui dépassent le cadre régional et ne peuvent donc pas leur être transférées.
Dans tous les cas, la nécessité d'une plus grande coordination sur la gestion des gares a été unanimement soulignée.
Le rapporteur a donc proposé une clause de rendez-vous, demandant au gouvernement de faire un rapport sur la propriété et la gestion des gares d'ici deux ans après la promulgation du texte.

D'ici là, un amendement a été voté pour demander une comptabilité séparée de la gestion des gares et autres infrastructures de services (notamment fret).

Par ailleurs, les terminaux de marchandises sont transférés de SNCF Mobilités à SNCF Réseau.

V) Le rôle de l'ARAF 


1) Composition de l'ARAF


L'ARAF est actuellement composée de sept membres, dont un (le président) est un membre à temps plein quand les 6 autres sont dits "vacataires".
La réforme proposait de passer à 5 membres permanents.
Le rapporteur a souhaité modifier cette proposition pour revenir à 3 membres permanents plus 2 vacataires, ce qui est à la fois moins coûteux que la proposition gouvernementale et plus coûteux que l'existant. Cette proposition a été acceptée par la commission.
L'ARAF est par ailleurs séparée en deux entités : le collège et la commission des sanctions, qui intervient comme son nom l'indique pour toutes les décisions ayant trait aux sanctions alors que le collège intervient pour toutes les autres délibérations.
Il y a eu débat sur la présence d'un commissaire du gouvernement auprès de l'ARAF, qui risquerait d'influencer ses décisions mais ne pourrait pas prendre part au vote. Il a cependant été jugé indispensable que l'avis de l'Etat puisse être pris en compte de manière particulière pour éviter d'éventuelles dérives budgétaires. Ainsi, l'exemple de la LGV Tours-Bordeaux a été pris : avec 58 collectivités participant au financement, il arrive forcément un moment où l'une d'elle veut se retirer, générant un besoin de financement nouveau. La question est de savoir si c'est à l'Etat ou à RFF de le supporter. Le rôle du commissaire aurait ici été de plaider la cause de l'Etat pour éviter de creuser le déficit encore plus. [Note personnelle : il y a là à mon sens une contradiction avec les discussions reprises en partie VII)3) qui visent justement à éviter de plomber RFF avec des projets non financés par le demandeur...]

2) Cabotage


Petit détail mais qui a son importance, l'ARAF sera désormais légitime à vérifier l'objet du service proposé, c'est à dire à s'assurer par exemple qu'un service ferroviaire international respecte le quota de passagers transportés sur le territoire exclusivement national (notion de cabotage).

3) Avis de l'ARAF


Comme préalablement annoncé par le gouvernement, l'avis conforme de l'ARAF a été rétabli pour la fixation des redevances d'infrastructures ainsi que sur la tarification des prestations régulées en gares (et autres infrastructures de service).
De nombreux autres amendements ont eu pour but de faire intervenir l'ARAF pour donner un avis sur toutes les décisions prises en interface entre 2 acteurs ou plus du système. Le rapporteur a combattu cette tendance pour éviter de bloquer le système en ajoutant une couche administrative à la moindre décision, risquant de lui faire perdre toute réactivité. Il a souligné la jeunesse de l'ARAF, qui n'a pas encore les moyens de ses ambitions, et a pointé la nécessité de ne pas en faire un "hydre" risquant même d'empiéter sur les prérogatives du ministre.
Cependant, l'ARAF voit tout de même son champ d'action élargi, et aura notamment pour rôle de veiller à l'indépendance de SNCF Réseau par rapport à l'EPIC de tête, qui sera lui aussi soumis au contrôle de l'ARAF (notamment pour vérifier le caractère non discriminatoire de la fourniture de services tels que la SUGE à tout le système ferroviaire)

VI) Le rôle accru des régions 


1) Représentation


Les régions (et le STIF), en tant qu'autorités organisatrices du transport, feront partie du conseil d'administration de SNCF Réseau (au moins 2 membres) dans le groupe des représentants de l'état, et aux côtés de représentants de la SNCF et des représentants des salariés. Il a en revanche été refusé d'imposer l'égalité du nombre de représentants de l'Etat et des Régions, pour garantir la préservation de l'intérêt général défendu par l'Etat.

2) Régionalisation


Le texte revient sur le sujet de la présentation des comptes par ligne demandé à la SNCF par les régions (qui figure déjà dans la loi) en précisant que le découpage sera défini par l'AOT pour mieux répondre à son besoin. Ce sujet est une demande répétée des AO qui peine à être satisfaite, occasionant cette remarque du rapporteur : "Il faut être croyant..."
Par ailleurs, une comptabilité analytique par région est demandée à SNCF pour répondre aux inquiétudes sur les contrats existants.
Une régionalisation de SNCF Réseau faisait également partie des amendements proposés par les parlementaires, mais n'ayant pas été voté car impliquant une immixtion du Parlement dans la gestion et l'organisation de l'entreprise SNCF Réseau, ce qui n'est pas son rôle. Il n'est cependant pas à douter que cette demande resurgisse plus tard.

3) Cession d'actifs (Matériel roulant, immobilier)


Plusieurs amendements poussés par les régions visaient à rendre possible le transfert de propriété du matériel roulant de la SNCF vers les régions, au motif qu'elles en assurent le financement. C'est déjà le cas pour le STIF qui est propriétaire de certains matériel, le sujet ayant été réglé par la convention STIF/SNCF. Ce transfert rendrait possible de nouvelles formules de gestion du parc de matériel roulant, telles que le leasing.
Ce sujet est considéré comme sensible par le gouvernement qui craint de laisser penser à une anticipation de la mise en concurrence de la SNCF alors que ce n'est pas le débat ici. Les amendements ont donc été retirés après discussion, mais seront probablement rediscutés en séance publique.
Des discussions similaires ont eu lieu sur la problématique de cession du patrimoine immobilier aux régions en déduisant les subventions déjà versées au préalable. Le gouvernement demande sur ce sujet une grande vigilance et une étude d'impact pour éviter les conséquences collatérales qu'une telle décision pourrait avoir sur d'autres domaines en créant une jurisprudence.

4) Le Versement Transport (VT)


Un amendement poussé notamment par le groupe écologiste visait à créer un nouveau VT à la fois interstitiel (dans les zones où il n'en existe pas encore) et complémentaire à l'existant dans les zones où il existe déjà, afin d'assurer aux régions une ressource dédiée au financement des transports. Ce deuxième volet est ajouté pour permettre de dégager des ressources suffisantes, le VT interstitiel seul ne permettant qu'un faible retour (avec l'exemple de PACA où la zone concernée par un VT interstitiel est quasi inexistante). La situation est aujourd'hui parfois cocasse puisqu'un projet de tramway porté par la communalité pourra bénéficier des ressources du VT, alors qu'un projet de tram-train porté par une région ne le pourra pas. 
Cet amendement a été rejeté en plaidant le renvoi à la loi de finances ou sur la décentralisation, le texte actuel n'étant pas légitime pour porter un tel projet, qui fait de plus peser une contrainte fiscale supplémentaire sur les entreprises.

5) La liberté tarifaire


Plusieurs amendements (dont un du rapporteur) ont pour objectif de donner aux régions la liberté (demandée depuis très longtemps) de fixer les tarifs selon leur appréciation (quitte à conserver un tarif national sur les trajets combinés avec d'autres services (autres régions, TET ou TGV par exemple)), au contraire de la situation actuelle où elles ne peuvent qu'être force de proposition et où les tarifs doivent sinon respecter des règles définies nationalement. Une telle liberté permettrait aussi d'adopter une politique plus dynamique visant à mieux remplir les trains en heures creuses et ainsi améliorer leur productivité, puisque le matériel roulant est aujourd'hui seulement utilisé 6 à 8 heures par jour, ce qui est loin de l'optimalité. Cela viendrait également réduire l'ambiguité de la situation actuelle où les régions gèrent le TER sans en avoir tous les leviers, et sans en avoir les ressources. 
Le ministère n'est pas radicalement opposé à l'idée sur le principe, mais insiste en revanche pour que soit pris en considération dans l'équation les compensations liées aux tarifs sociaux nationaux et au paiement de la redevance d'accès par l'Etat (voir article précédent pour la définition de la redevance d'accès), ce qui pose alors à nouveau la question du transfert des gares de par leur lien avec les redevances d'accès. De telles dispositions créeraient de forts bouleversements dans l'architecture économique du système (une "crise de financement") et nécessitent donc une étude poussée, délivrable par exemple avec le rapport sur la gestion des gares demandé d'ici 2 ans. Ce lien entre la liberté tarifaire et la compensation des redevances est réfuté par le rapporteur, qui y voit un signal de blocage alors qu'il est pour lui possible d'avancer rapidement sur une affaire qui dure depuis des mois. 
La discussion a été renvoyée à la session plénière, avec une "invitation au travail" des parlementaires pour une proposition cohérente et solide sur ce sujet compliqué, où le parlement a un vrai rôle à jouer ("C'est un débat qui honore le Parlement et qui montre que nous ne sommes pas tout le temps des godillots", G. Savary), avec le risque de voir surgir dans l'hémicycle des amendements encore plus radicaux de la part des régions. 

6) La délégation de gestion d'infrastructure


Répondant à une demande des régions, le texte introduit la possibilité de déléguer la gestion d'infrastructure (gestion opérationnelle des circulations, maintenance et développement, sauf l'attribution et la vente des sillons) à toute personne pour les lignes à trafic faible à l'initiative de SNCF Réseau. La version initiale du texte restreignait ce cas aux lignes à trafic marchandise, ce qui n'est plus le cas ici et constitue donc une petite évolution puisque la gestion d'infrastructure était jusqu'alors uniquement réalisée par RFF et SNCF Infra sur le RFN (hors PPP). Cette démarche sera tout d'abord expérimentale et étudiée au cas par cas avant d'en fixer les contours par décret.

VII) L'Etat stratège 


1) Stratégie du groupe public


Plusieurs amendements adoptés ont consisté à souligner le rôle stratégique de l'état : 
- dans l'établissement des priorités nationales et internationales du système de transport ferroviaire
- pour veiller à la programmation des investissements de développement et régénération de l'infrastructure
- pour veiller à la complémentarité des offres TGV/TET/TER dans une optique d'aménagement du territoire et d'égalité d'accès au service public
- pour veiller aux conditions de développement du fret et au report modal.
- pour veiller à la conduite des programmes de recherche et développement permettant d'accroitre la multimodalité.

2) Les contrats


Chacun des 3 EPIC du groupe concluera un contrat avec l'Etat tous les 10 ans, avec révision triennale et rapport d'activité annuel faisant l'objet d'un avis de l'ARAF et présenté au Parlement.

3) La dette

a. La nouvelle dette


Tous les parlementaires reconnaissent les dérives du système qui ont conduit à lancer des projets de développement pharaoniques en majorant les prévisions de traffic pour laisser penser que le projet pouvait être rentable, engendrant une dette (non recouvrable donc) à RFF, et le poussant à augmenter les péages, ce qui fait baisser le trafic en augmentant les coûts de l'opérateur ferroviaire, perpétuant le cercle vicieux. Cela a notamment été le cas pour les 4 derniers projets de LGV actuellement en cours, qui creusent fortement la dette de RFF.
Le rapporteur a donc fait voter un amendement stipulant (règle dite prudentielle) :
- que les investissements de maintenance, régénération et entretien devaient assurer un taux de rentabilité interne pour SNCF Réseau (en intégrant les subventions éventuelles de l'état ou des collectivités)
- que les investissements de développement (construction de nouvelles lignes notamment) devaient être appréciés au regard d'un ratio rapportant la dette de SNCF Réseau à la marge des opérateurs ferroviaires.
- que les investissements mettant en danger l'un ou l'autre des paramètres notamment via la hausse des péages devaient être financés par le demandeur (Etat ou collectivité territoriale).

Cet amendement n'est pas accepté par le Ministère des Finances (Bercy) en raison du risque qu'il représente et de la quasi impossibilité consécutive de construire de nouvelles lignes, mais le ministère ne propose pas d'alternative. Il a donc été voté pour préempter le débat en vue de la discussion en plénière.

b. La dette existante


Le rapporteur a indiqué en préambule des discussions avoir l'espoir de pouvoir bientôt cantonner la dette "quelque part", au moins pour la partie non gagée par des retours d'investissement, ce cantonnement étant même une quasi obligation européenne. La démarche serait donc plutôt contrainte, au contraire de la démarche allemande consistait à reprendre volontairement la dette au sein du budget de l'Etat.
La commission des finances a d'ailleurs proposé la création d'une CADEF (Caisse d'Amortissement de la Dette Ferroviaire) pour isoler la dette du groupe ferroviaire, mais la problématique principale est la création de ressource (taxe) qui doit lui être associée pour l'amortissement, ce qui est particulièrement sensible dans un contexte de forte pression fiscale. Pour le rapporteur, cette problématique de la dette est bien plus impactante sur la santé du système que la supposée sous-productivité de l'entreprise. Le rapporteur a d'ailleurs souligné les gains de productivité qui ont été obtenus en pointant la hausse de 400 millions de voyageurs depuis 1983 et la réduction en parallèle du nombre de salariés à hauteur de 100 000 personnes.

4) Schéma directeur des services de transport


Un amendement a visé à proposer la création d'un schéma directeur des services de transport notamment pour donner de la visibilité aux TET (Trains d'Equilibre du Territoire) et que l'Etat assume son rôle d'AO de ces services. L'amendement a été refusé au prétexte qu'il n'incluait pas l'intermodalité, et surtout qu'il ne proposait pas de recettes à mettre en face de l'organisation de ces services, qui se heurteraient de toute façon une nouvelle fois à la trop forte pression fiscale.
Il a également été discuté de la possibilité de rediscuter de ce sujet à la lumière des travaux en cours sur la loi de décentralisation et la création de grandes régions qui pourraient éventuellement reprendre cette mission.

VIII) Le Haut Comité du Ferroviaire 


Le rapporteur a apporté des précisions sur le rôle de ce comité, en le séparant en fait en deux collèges :
- le Haut Comité proprement dit, sorte de "CESE (Conseil Economique, Social et Environnemental) du ferroviaire", instance de concertation entre tous les acteurs du ferroviaire (incluant les associations d'usagers ou les syndicats). A noter que la création de ce comité est combattu par Lionel Tardy, pourfendeur des "machins" de la République, par un amendement de suppression qui n'a pas été défendu en commission.
- un Comité des Opérateurs auprès de SNCF Réseau, visant à créer une instance de concertation opérationnelle entre les différentes entreprises ferroviaires et autorités organisatrices, pour répondre à la "foire aux sillons" qui existe aujourd'hui lorsque chaque acteur se bat pour son morceau d'espace-temps ferroviaire. Ce comité adopte une charte du réseau décrivant les bonnes pratiques à respecter. De cette manière, 3 niveaux de visibilité sur l'accès au réseau sont définis : le long terme avec la charte du réseau qui donne les grands principes, le niveau annuel avec le Document de Référence du Réseau qui est publié chaque année par SNCF Réseau et qui définit notamment la tarification de l'Infrastructure, et le niveau de la gestion de "crise" au sein du Comité Opérationnel.

IX) Le modèle social 


1) Au sein du groupe public ferroviaire


Un amendement important a été voté, précisant que chaque salarié de l'un des 3 EPIC peut postuler à n'importe quelle offre de l'un des 3 EPIC sans discrimination lié à son origine professionnelle.

2) Au sein de la branche


Le rapporteur a bien pris soin de souligner l'existence des négociations collectives actuellement en cours ou à venir entre les partenaires sociaux et la nécessité que la loi ne s'y substitue pas par avance.

Le texte de loi rend justement possible l'inclusion de la SNCF à cette négociation collective de branche, ce qui ne l'était pas jusqu'à aujourd'hui en raison de l'acte dit loi de 1940 (voté sous Pétain) et définissant le monopole statutaire de la SNCF.
Il a cependant précisé le périmètre du futur décret socle, qui viendra définir les règles du jeu de la négociation, en faisant voter un amendement précisant le périmètre de la convention collective : n'y seront incluses que les entreprises dont l'activité principale est le transport ferroviaire de marchandises ou de voyageurs, la gestion, l'exploitation ou la maintenance sous exploitation des lignes ou installations fixes ferroviaires et possédant un agrément ou certificat de sécurité.
Pour illustrer ce point, le rapporteur a pris l'exemple d'un chantier de Colas Rail en indiquant que seuls les conducteurs de trains feront partie de la convention collective et non les soudeurs et les ouvriers, cela visant à préserver le coût des chantiers (sic).
D'un autre côté, le rapporteur a refusé d'exclure l'activité de maintenance sous exploitation de la convention collective pour éviter une différence de traitement entre SNCF Réseau et les autres gestionnaires d'infrastructures. [Note personnelle : l'activité "travaux" est-elle incluse dans l'activité de maintenance de l'infrastructure ? quid de la différence de traitement dans ce cas entre les chantiers SNCF Réseau et les chantiers Colas Rail si les ouvriers des chantiers Colas ne sont pas dans la convention collective alors que les ouvriers SNCF Réseau le sont ?].
Les premières discussions collectives laissent à penser que la convention collective sera découpée par grands types de métiers, les règles n'étant pas les mêmes pour les conducteurs que pour les guichetiers.

X) La concurrence 


La concurrence est un thème qui s'est trouvé en filigrane tout au long du débat, même s'il a bien été souligné qu'elle n'est pas envisagée avant 2023. 
Un amendement du groupe UDI a bien proposé la possibilité pour les régions de mettre en concurrence l'attribution des DSP (Délégations de Service Public) TER, mais cette demande a été rejetée, le rapporteur soulignant que ce n'était même pas une demande réelle des régions.

XI) Autres sujets 


1) Installations radio-électriques


Un amendement du rapporteur (poussé par RFF) visait à prescrire aux propriétaires ou exploitants d'une installation radioélectrique de s'assurer qu'elle ne porte pas atteinte au bon fonctionnement des circulations ferroviaires. Cet amendement est issu notamment des difficultés rencontrées avec le tram-train T4 aulnay-Bondy (voir http://www.franceinfo.fr/high-tech/vie-quotidienne/article/quand-les-ondes-bloquent-la-circulation-des-trams-310623 par exemple).
Le ministre a pris en compte la demande et proposé de créer un groupe de travail spécifique pour traiter la problématique de manière globale et analyser la réglementation existante qui soit n'est pas appliquée soit n'évoque pas le cas du ferroviaire. L'amendement a par conséquent été retiré.

2) Accès gratuit pour la police


Un amendement a été voté pour permettre officiellement aux officiers et agents de police judiciaire expressément chargés de veiller à la sûreté des transports de monter et circuler librement dans tous les trains, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent et pouvait ponctuellement poser problème.

3) Les perles du débat


- La sonnerie du téléphone de G. Savary : Tchou-Tchou ! voilà un rapporteur pleinement investi dans sa mission !
- Le "coup de gueule" bon enfant du président de la commission en fin de débat pour demander que le député UMP M.Saddier arrête de gaver le ministre de bonbons !

Conclusion :

Il est important de noter que tous les amendements votés ne seront pas nécessairement retenus en assemblée plénière et peuvent donc encore être défaits. Cependant, ils donnent un éclairage intéressant sur l'état des discussions actuelles, et montrent que le sujet est encore loin d'être complètement abouti, notamment en ce qui concerne les relations avec les régions. De nombreuses discussions à ce sujet vont resurgir lors du débat à l'assemblée, qui peuvent encore faire très largement évoluer le contenu du texte.
La discussion à l'assemblée est prévue à partir du 17 Juin 2014 à 14h.

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