dimanche 9 février 2020

Ouverture à la concurrence = Privatisation ?


A l’aube de l’ouverture effective à la concurrence du marché ferroviaire national français, on entend parfois parler de privatisation. S’il est bel et bien établi que la SNCF et ses filiales restent par la loi d’actionnariat 100% public, qu’en est-il des futurs concurrents, putatifs ou déclarés ?

I) La concurrence en France


Comme évoqué dans un article précédent, la concurrence prendra 2 formes en France :
- La concurrence sur le marché, ou librement organisée, pour les services commerciaux ayant vocation à être rentables
- La concurrence pour le marché, ou avec appels d’offres, organisée par les autorités organisatrices (Régions ou Etat), pour les services publics.

Certaines entreprises se sont d’ores et déjà positionnées sur l’un ou l’autre de ces créneaux, soit à l’occasion des appels à manifestation d’intérêt organisés par les régions (Pays de la Loire, PACA, …) ou l’Etat pour les Trains d’Equilibre du Territoire (Nantes-Bordeaux et Nantes-Lyon notamment), soit via le dépôt de dossiers à l’ART (Autorité de Régulation des Transports, ex-ARAFER) pour des services librement organisés.

Le tableau ci-dessous regroupe les premières annonces effectuées dans les médias pour les principaux acteurs :

Entreprise Contrat de Service Public Liaison Commerciale
Transdev AMI Pays de la Loire, PACA -
MTR AMI PACA -
Keolis/SNCF AMI Pays de la Loire. PACA -
Arriva AMI Pays de la Loire, PACA -
RATP Dev AMI Pays de la Loire, PACA -
Thello AMI PACA Paris-Lyon-Milan
FlixTrain - Paris-Bruxelles, Paris-Lyon (en ligne classique), Paris-Nice (de nuit), Paris-Toulouse (en ligne classique) et Paris-Bordeaux (en ligne classique)
Renfe - Lyon-Marseille dans un premier temps
* AMI = Appel à manifestation d'Intérêt

On notera également la réponse d’acteurs plus locaux, tels que la RDT 13 (Régie des Transports Départementaux des Bouches du Rhône, qui a répondu à l’AMI de la région PACA). 

Par ailleurs, d’autres acteurs spécialisés dans le matériel roulant ferroviaire (maintenance, location, financement ou gestion) ont également proposé leurs services pour cette seule composante de la réponse au besoin.

II) Les actionnaires


Parmi tous ces acteurs, certains sont privés, mais beaucoup sont au moins en partie publics, français ou étrangers.

Le tableau ci-dessous reprend les actionnaires des principaux acteurs du secteur, à la fois ceux s’étant déjà positionnés en France, mais également d’autres opérant déjà en France sur les dessertes internationales, et d’autres uniquement à l’étranger.

Nom de l'entrepriseActionnaire public françaisActionnaire public étrangerActionnaire privé
KeolisSNCF (70%)Caisse des Dépôts & Placements du Québec - CDPQ (30%)0.00%
RATP DevRATP (100%)0.00%0.00%
Société commune RATP Dev / GetlinkRATP (55%)0.00%Atlantia (7%), Eiffage (2%), Fonds d’investissements, … (36%) via Getlink
TransdevCaisse des Dépôts & Consignations (66%)0.00%Famille Rethmann, via le groupe Rethmann (34%)
Arriva0.00%Allemagne, via la DB (100%)0.00%
First Group0.00%0.00%Fonds d’investissements, actionnaires divers (100%)
Flix Mobility0.00%0.00%3 fondateurs, groupe d’édition Georg bon Holtzbrinck, fonds d’investissement (100%)
ThalysSNCF (60%)Belgique, via SNCB (40%)0.00%
EurostarSNCF (55%), Caisse des Dépôts & Consignations (6%, via Hermès)CDPQ (30%), SNCB (5%), Banque publique néerlandaise BNG (1%, via Hermès)Famille Rethmann (3%, via Hermès)
Stagecoach0.00%0.00%Fonds d’investissement, 2 fondateurs (100%)
Thello0.00%Italie, via Trenitalia (100%)0.00%
MTR0.00%Gouvernement de Hong Kong (75%)Fonds d’investissements, actionnaires divers (25%)
Abellio0.00%Pays-Bas, via NS (100%)0.00%


La figure ci-après reprend ces chiffres de manière graphique :

Répartition de l'actionnariat des principales entreprises du secteur


Le graphique ci-dessous reprend ces valeurs, pondérées par le chiffre d’affaire de chacune des entreprises concernées.
On notera en préalable que ce chiffre d’affaire ne concerne pas uniquement les activités ferroviaires, puisque certains des groupes (notamment FirstGroup ou Stagecoach) opérent pour une grande partie de leur activité des lignes de bus.
Par ailleurs, cette pondération par le chiffre d’affaire ne figure absolument rien du revenu des actionnaires qui n’est pas l’objet de cet article.
Répartition de l'actionnariat des principales entreprises du secteur, pondéré par leur chiffre d'affaire

NB 1 : le chiffre d’affaire de Flix Mobility (entreprise mère de FlixTrain) n’est pas connu et a donc été estimé de manière arbitraire.
NB 2 : La société commune RATP Dev / Getlink qui figure dans ces graphiques suite aux annonces des deux groupes de leur partenariat n’a pas encore d’activité en France et est donc reprise avec un chiffre d’affaire nul.


Globalement, environ 62% du chiffre d’affaire de ces entreprises est donc public (26% français, 36% étranger), et 38% est privé.

III) Mise en perspective


A titre d’illustration, le graphique suivant reprend les valeurs de chiffre d’affaire du graphique précédent comparé à celles des principales entreprises ferroviaires historiques européennes.

Chiffre d'affaire des Entreprises ferroviaires historiques (en bleu) et des autres entreprises du secteur (en orange)

NB : les chiffres d’affaire des entreprises historiques incluent pour certains les chiffres d’affaires de leurs filiales en concurrence (DB/Arriva, SNCF/Keolis, FS/Thello, NS/Abellio...)

Conclusion


Ces chiffres poussent à relativiser dans une certaine mesure les craintes de privatisation du ferroviaire puisque la part des acteurs publics dans le secteur reste très importante.
Les acteurs privés seront-ils alors source de dynamisme et de croissance, ou au contraire une menace pour l’équilibre fragile d’un secteur au coeur de la vie de beaucoup de français ? L’ouverture à la concurrence va indubitablement transformer le paysage ferroviaire français, d’une manière que nul ne peut encore prévoir totalement...

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